Comme tous les flamants roses, Pinky adore voler très haut dans le ciel, pêcher des crevettes et dormir sur une patte à l’heure de la sieste. Et bien évidemment, Pinky a les plumes et les pattes d’un beau rose pastel. Seulement voilà, Pinky déteste cette couleur :
« C’est un rose cucul la praline, un rose de princesse, de chochotte, de guimauve collante et de lait fraise-grenadine. C’est une couleur de fille ! »
Sa maman essaie de lui expliquer :
« Ce sont les crevettes, ton plat préféré, qui donnent à tes plumes ce doux rose sucré. C’est notre couleur depuis toujours. Tes grands-parents sont roses, ton père et moi sommes roses, tes frères et sœurs aussi. Nous sommes fiers de porter ce joli coloris qui nous caractérise.
– Non, s’obstine Pinky. Moi, je suis un garçon. Être ainsi toute ma vie, il n’en est pas question. »
Et Pinky s’envole, bien décidé à trouver une solution.
Pinky se pose alors au bord d’un marécage, où un crocodile s’exerce à la nage.
« Bonjour Croco. Quel beau vert tu portes sur le dos !
– Tu trouves ? C’est vrai que cette couleur m’est bien utile. Elle m’offre un camouflage parfait dans les eaux du marais. Mais moi, j’ai toujours l’impression d’être un gros cornichon. J’aurais été si mignon en rose bonbon ! »
Sur ces mots, Croco replonge dans l’eau. Pinky est très surpris et se demande s’il a bien tout compris. Soudain, il sent la terre trembler sous ses pieds.
Un troupeau d’éléphants vient se désaltérer. Pinky s’approche de l’un d’eux.
« Bonjour Éléphant. Avec ta peau grise, comme tu es élégant !
– Vraiment ? Je la trouve triste, de mauvais goût, entre le ciel de pluie et le caillou. Mais ce qui m’ennuie par-dessus tout, c’est d’être de la même couleur que mon ennemie la souris ! Je donnerais n’importe quoi pour être comme toi, rose fuchsia. »
Pinky n’en revient pas : rose fuchsia pour un grand gaillard comme ça !
Du haut du grand baobab, Babouin a tout entendu.
« Éléphant a raison. Regarde mes poils, ils sont marron. Je me réveille, tous les matins, de cette couleur crotte de chien. À croire que, comme le phacochère, je me roule dans la boue et la poussière. Quand je te vois, je me dis que je serais sans pareil en rose groseille. »
Pinky n’en croit pas ses oreilles. Même Babouin rêve d’un rose comme le sien.
Dromadaire, en route pour le désert, passe près d’eux. Ses longs cils courbés bordent ses yeux. Pinky l’interpelle :
« Bonjour Dromadaire. Avec ta robe jaune comme le soleil, tu as de quoi être fier.
– Tu plaisantes, j’espère. Tout le monde pense que j’ai la jaunisse, tellement ce jaune coing me va mal au teint. Comme j’aimerais ce rose barbe à papa, léger, délicat… »
Pinky est déboussolé. Dromadaire préfère le rose à sa couleur dorée.
De son pas velouté, Tigre arrive pour barboter. Il se penche au-dessus de l’eau et regarde son reflet.
« Quelle classe tu as dans ce costume orange rayé ! constate Pinky.
– Tu parles de ce pyjama carotte-citrouille ? À cause de lui, quand j’arrive, tout le monde a la trouille. Ce qu’il me faudrait c’est une couleur plus douce, comme ton rose pamplemousse. »
Pinky en tombe à la renverse. Un tigre dans un costume rose rayé, il ne peut l’imaginer !
Perdu dans ses pensées, Pinky regarde une mouche voleter. Soudain… slurp ! En un éclair, la voilà happée par une immense langue déroulée. Pinky sursaute.
« Tu m’as fait peur, Caméléon. Je ne t’avais pas vu avec tes écailles ton sur ton.
– C’est bien là mon malheur ! On ne me prête aucune attention tellement je me fonds dans la végétation. Toi au moins, tu attires les regards avec tes plumes rose saumon. »
Pinky ne sait que répondre. Parmi toutes les couleurs que la nature propose, Caméléon aime mieux le rose.
Seul au bord du marais, Pinky se met à penser tout haut :
« Tout le monde envie mon plumage rose poudré alors que je rêve de m’en débarrasser. Avoir des plumes blanches, je l’aurais accepté. Blanc comme la neige, la lune et les nuages… Avoir des plumes rouges, j’aurais adoré. Rouge comme le feu, comme le soleil qui va se coucher… Mais il a fallu que ce soit une couleur pâle, fade et délavée. »
« Et des plumes bleues, tu n’y as jamais pensé ? » Pinky lève la tête. Qui cela peut-il bien être ?
Pinky cherche parmi les fleurs du flamboyant. Soudain, juste devant ses yeux, il distingue un bel ara bleu. Pinky en reste bouche bée. Cette couleur, il en a toujours rêvé. Le flamant rose finit par articuler :
« La couleur de tes plumes est magnifique. Mais comme tout le monde, je suppose que tu vas me dire qu’elle n’est pas à ton goût, que tu préférerais un plumage comme le mien, rose doudou…
– Pas du tout. Je trouve ma couleur bleue très jolie. »
Pinky est rassuré, il vient enfin de rencontrer quelqu’un de sensé. Il continue de plus belle :
« Tu as mille fois raison. Ce beau bleu profond, c’est la couleur idéale pour un garçon. Au fait, quel est ton prénom ?
– Arabelle ! Et… je suis une demoiselle ! »