Bibliothèque numérique pour l'école Emma ne veut pas dépasser
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Emma fait un dessin, assise à la table du jardin. Elle trace les contours puis elle commence à colorier. Emma est concentrée, elle tire la langue et pense dans sa tête : « Faut pas dépasser. »

Emma adore dessiner, mais elle sent en elle une petite chose qui la bloque. Elle ressent, mais elle ne comprend pas.

Heureusement l’envie de dessiner est toujours là. Alors Emma continue d’imaginer, sur le papier.

« C’est joli » dit maman en passant. Emma lève la tête et sourit. Puis, elle déclare fièrement :

« Tu as vu, je n’ai pas dépassé. »

Emma continue de colorier. Dans sa tête, elle se répète :

« Faut pas dépasser. »

Emma entend le bruit tout doux du feutre sur la feuille. Ses petits doigts vont de plus en plus vite. Il reste encore un petit peu de blanc, là. « J’ai presque fini » pense Emma. Et soudain…

« Naaaan ! » Dans son élan pour terminer son coloriage, Emma a… Dépassé !

Alors, d’un coup, la main d’Emma est soulevée, puis son bras, et enfin c’est tout son corps qui s’envole ! Sur la table, la feuille devient de plus en plus petite. Emma la regarde un moment, puis tourne la tête, et se laisse porter par le vent.
Elle se retrouve dans un ciel vert parsemé de quelques petits nuages dorés. Emma trouve ça joli, mais elle se demande bien pourquoi le ciel et les nuages sont comme ça aujourd’hui.

Comme s’il lisait dans ses pensées, le ciel s’exclame :

« J’ai dépassé !

– Tu dessines ? demande Emma, interloquée.

– Non, répond le ciel, j’ai dépassé les limites de mon bleu en y ajoutant du jaune. Avec le vert, on voit le monde différemment. »

Les nuages, à leur tour annoncent :

« Nous aussi, on a dépassé les limites de notre blanc en le mélangeant avec du doré, ça nous donne un air de fête ! »

Bientôt, Emma croise un oiseau au bec carré, avec des écailles sur le dos. « Mais comment fais-tu pour voler ? l’interroge Emma, intriguée.

– J’ai dépassé, répond l’oiseau. Emma n’en revient pas.

– Mais, tu dessines toi aussi ?

– Non, non, répond l’oiseau, j’ai observé les poissons dans l’eau et je les ai trouvés beaux. Alors j’ai dépassé mes plumes et mes formes, et je me suis transformé ! »

Emma écoute, de plus en plus intéressée. L’oiseau continue de planer en faisant des bulles avec son bec carré.

« Incroyable… » souffle Emma.

C’est seulement quand l’oiseau-poisson n’est plus qu’un petit point au loin qu’Emma remarque que la lune a remplacé le soleil. Intriguée, Emma s’approche et l’interroge :

« Que fais-tu debout à cette heure-ci ? Tu devrais être au lit !

– J’ai dépassé, répond la lune avec un sourire.

– Tu dessines ?

– Non, j’ai dépassé la nuit. Le soleil m’a demandé si je voulais bien le remplacer, et j’ai accepté, explique-t-elle. Emma écoute attentivement la lune, qui poursuit :

– C’est intéressant, tu sais. Je vois des choses qui ne sont visibles que le jour. Par exemple, je t’ai vue prendre ton petit déjeuner dans le jardin ce matin. »

Emma se dit que la lune a eu une bonne idée.

Au loin un bruit se fait entendre. C’est un avion qui approche et s’arrête devant Emma.

« C’est la première fois que je vois un avion comme toi, lance la petite fille.

– C’est que je suis très ancien, précise-t-il, voilà bien longtemps que les hommes ne m’utilisent plus.

– Alors, pourquoi es-tu ici aujourd’hui ?

– J’ai dépassé, répond l’avion.

– Ah bon ! s’étonne Emma, tu dessines ?

– Non ! rit l’avion, j’ai dépassé le temps. Je m’ennuyais dans mon entrepôt. J’ai eu envie de sortir faire un petit tour.

– Tu as eu raison. Tu es très élégant, ajoute Emma.

– Une petite promenade te ferait-elle plaisir ?

– Volontiers ! » se réjouit la petite fille.

À bord, Emma fait la connaissance d’un vieux monsieur s’apprêtant à faire un saut en parachute.

« Bonjour, petite ! lance le vieillard joyeusement.

– Bonjour ! salue à son tour la fillette. N’êtes-vous pas un peu vieux pour sauter en parachute ?

– Rassure-toi, petite, répond le vieil homme, j’ai dépassé.

– Vous aussi… ça alors !… souffle Emma.

Oui. J’ai dépassé ma peur, j’ai dépassé mon âge avancé. Sauter dans le vide, si tu savais depuis combien de temps j’en rêvais…

Emma commence à comprendre.

– Je… je peux venir avec vous ?

– Mais avec plaisir ! s’écrie le vieillard avec enthousiasme. Prends donc un parachute et viens près de moi. »

Par un incroyable hasard, c’est au-dessus du village d’Emma que les deux nouveaux amis quittent l’avion.

Leurs parachutes ouverts, ils profitent de leur douce descente à travers le ciel vert et les nuages dorés. Le soleil est à présent réveillé, et la lune est allée se coucher. Pourtant, étrangement, la lumière commence à baisser sur le petit village se trouve la maison d’Emma.

« J’habite juste là, en dessous, crie Emma au vieil homme.

– C’est ton dessin, sur la table du jardin ? demande-t-il.

– Oui, j’avais presque terminé ce matin quand j’ai…

– Quand tu as dépassé…, sourit le vieux monsieur en se posant doucement sur la pelouse.

Emma sourit aussi.

– Tu as bien fait, poursuit-il, si tu n’avais pas dépassé, peut-être ne nous serions-nous jamais rencontrés… »

Emma a compris. Ce qui la bloquait est parti.

Emma prend son dessin et l’offre au vieil homme, qui s’éloigne, en souriant.

« Au revoir, petite. Et n’oublie pas… de dépasser. »