Depuis la nuit des temps, il cheminait dans le ventre de la Terre.
Puis, sur les hauts plateaux d’Angola, il avait jailli d’une entaille rocheuse, salué par le soleil levant.
Mince filet d’eau, il se fraya timidement un passage entre falaises et forêts. Bien grossi par d’autres ruisseaux, il s’enhardit et commença à bondir joyeusement sur les rochers.
Torrent fougueux devenu rivière paisible puis fleuve majestueux, Okavango connaissait d’instinct sa destinée : mêler ses eaux à celles du vaste océan.
Il avança alors sans hâte, déroulant paisiblement ses méandres entre plaines et villages.
Soudain se dressa sur son parcours un redoutable obstacle : Kalahari, le grand désert.
Okavango comprit qu’il devrait le franchir pour atteindre son but. Aussi s’élança-t-il sans hésiter à l’assaut des premières dunes et les submergea.
« Ma vie s’achève ici, murmura le fleuve mourant.
– Détrompe-toi, Okavango, lui souffla alors le vent du sud. Fais-moi confiance, je t’emporte loin d’ici vers les hautes terres d’Angola, où tu es né. Tes vapeurs y deviendront nuages et les pluies te feront renaître. De nouveau, tu seras mince filet d’eau, torrent fougueux puis rivière paisible et enfin fleuve majestueux. Alors, nous nous retrouverons aux portes de ce désert. »
« Je ne verrai donc jamais l’océan ? soupira tristement Okavango.
– Non, en effet, mais console-toi, lui répondit le vent, avant de t’évaporer, en te perdant dans les sables, tu y sèmes la vie : dans tes marais déjà prennent racine roseaux, papyrus et lotus. Bientôt, les milliers d’îlots de ton delta abriteront les bêtes sauvages. »
Apaisé par ces paroles, Okavango se laissa porter par le souffle du vent.